STOCKAGE VIRTUEL

Le Stockage virtuel

Comme beaucoup des services qui voient le jour en ce moment, le stockage de l’énergie se propose lui également de passer « dans le Cloud ».

La promesse est alléchante: comme le gros inconvénient de l’autoconsommation c’est la gestion des surplus non valorisés, le stockage virtuel va consister à stocker – virtuellement, c’est un comptage de vos kWh produits et non consommés, un actif financier en fait – ce qui est produit et non consommé à un instant t et vous permettre de l’utiliser ultérieurement quand votre unité de production ne suffit pas à vos besoins, typiquement la nuit avec du solaire PV.

Ça ressemble à une excellente affaire: plutôt que de passer par une convention de vente de surplus à des prix bas, avec des frais et une complexité administrative associée, on va trouver un fournisseur de service qui va rendre tout ça plus simple et, à priori, plus rentable.

Le GPPEP, soucieux de l’intérêt de ses adhérents, s’est donc logiquement intéressé à cette nouveauté.

Juste pour être clair, il faut bien comprendre que le stockage est vraiment virtuel. Le fournisseur de service n’a pas d’immenses batteries où vos électrons sont gardés au chaud: quand vous exportez, il utilise les kWh comptés pour quelqu’un qui a un besoin d’importation ailleurs. Et tout se passe d’un point de vue financier par l’achat d’électricité (sur le marché ou auprès de producteurs). Comme les autoconsommateurs sont souvent soucieux de la planète, la garantie est que les fournisseurs/producteurs, ou bien les certificats associés à cette électricité, seront « verts ».

Urban Solar Energy a été pionnier, et Mylight System vient également d’annoncer une offre avec « MySmartBattery »

Comme dit l’adage internet du mode freemium « Quand c’est gratuit, c’est toi le produit » et « Quand c’est pas cher, assure tes arrières ». Si, sur le papier, ces offres sont séduisantes, il faut, comme toujours, faires ses petits calculs et autre règles de trois pour s’assurer qu’on a intérêt – financièrement exclusivement ici – à souscrire à de telles offres. Car, bien entendu, ce genre de services repose sur un coût d’abonnement ou des frais un peu cachés qu’il s’agit à minima de rembourser sinon ça ne sert à rien.

On peut aussi raisonnablement se poser la question de « l’intérêt » que certains installateurs risquent d’avoir, du coup, à sur-dimensionner les projets d’installations en AC en arguant du fait que les « gros surplus » seront valorisés grâce à ce stockage virtuel qui en gros permet de ne plus trop se soucier d’aligner ses consommations avec sa production car tout est optimisé par la souplesse apportée par la virtualité du stockage. Attention donc aux arnaques où le rendement financier promis va atteindre des sommets.

Maintenant, et plus prosaïquement, regardons combien ça coûte pour se faire une idée du gain.

Au moment de la rédaction de cet article, nous ne savons pas encore ce qu’il en est de la nécessité de passer par une convention Enedis ou pas et des taxes liées à ce mode de fonctionnement (Frais de mise en service, TURPE : environ 60€ par an); tablons sur le fait qu’il n’y a pas de surcoûts vis à vis d’Enedis et Cie, même si le doute est permis.

Étudions donc rapidement les deux principales offres actuelles.

L’Offre « MySmartBattery » de Mylight System.

Au delà de la plaquette et des promesses, il est important de comprendre les étapes nécessaires à ce service.

Tout d’abord, pour bénéficier de ce mécanisme, il va falloir installer des produits Mylight System. Cela n’est pas gratuit mais on va considérer que c’est neutre si on part du principe que l’on a acheté préalablement leur solution pour gérer et optimiser son installation en AC.

Ensuite, l’offre n’est possible qu’en optant pour Planète Oui comme fournisseur d’électricité réseau, avec BCM comme gestionnaire d’équilibre (à la place d’EDF).

Le mécanisme de pseudo vente à Planète Oui qui vous « redonne » vos kWh n’est pas transparent non plus: il y a les taxes classiques d’utilisation du réseau (TURPE + TCFE + CSPE + CTA + TVA), qui en gros vont représenter 0,06€ à 0,09€ par kWh (je vais prendre 0,075€)

Passons à la calculette.

Grâce au stockage virtuel, tout se passe presque comme si votre taux d’autoconsommation passait à 100%, c’est à dire une valorisation de toute la production au prix réseau (ici 0,16€ / kWh)

Prenons l’exemple d’un système de 3kWc, bien situé et posé etc.., et tablons sur une production de 3300 kWh par an.

Avec une gestion raisonnable en mode autoconsommation, on peut espérer être à un taux de 30%, soit un surplus de 2310kWh par an. 100% d’AC nous donne en équivalent financier:

2310 x 0,16€ = 370€

Oui mais les 2310 kWh sont taxés de 0,075€ par kWh, donc c’est plutôt

2310 x (0,16€ – 0,075€) = 196€

0,16€ – 0,075€  = 0,085€… ça nous rappelle quelque chose… oui ça ressemble à la valorisation du surplus en OA, 0,10€ le kWh, où la valorisation serait de :

2310 x 0,10€ = 231€    auxquels on doit retirer les taxes annuelles d’environ 60€ :

231€ – 60€ = 171€

Conclusion, on « gagne » un peu plus qu’en OA (196€ – 171€ = 25€), en supposant que les frais et taxes annuelles du dossier OA n’existent pas dans l’offre Mylight/Planète Oui (à confirmer), sinon on est perdant de 171€ – (196€ – 60€) = 35€ par an.

Pour être honnête et complet, il faut aussi considérer que le gain est indexé positivement sur le prix réseau du kWh, qui a tendance à augmenter, tandis que celui d’achat a tendance à baisser. Si on se projette dans quelques années, et si les taxes RTE/Enedis restent au niveau d’aujourd’hui, la solution devient plus intéressante, mais pas de quoi gagner des sommes folles non plus.

L’offre Urban Solar Energy.

Pour commencer, le service est facturé via un abonnement de 1€ HT par kWc et par mois. Comme pour Mylight, Urban SOlar Energy va vous demander de changer d’opérateur.. pour aller… chez eux.

Donc, si vous avez une installation de 3kWc, ça vous fera 3 x 1 x 12 = 36€ HT par an, soit environ 44€ TTC par an d’abonnement au service. Est-ce que la valorisation de votre surplus vous permet de rentabiliser cet investissement ?

Reprenons notre système de 3kWc, bien situé et posé etc.., et tablons toujours sur une production de 3300 kWh par an.

Donc pour 44€, nous allons donc faire comme si les 2310 kWh étaient stockés localement et utilisés, et donc au final économiser, cf. calcul plus haut, 196€. Dit autrement, on a un gain financier de

196€ – 44€ = 152€ par an

Et par rapport à une vente en surplus, où on aurait récupéré 231€ de vente, on n’est pas gagnant, même si en prenant en compte les frais annuels de l’OA, avec un revenu de 171€.

Pour simplifier on n’a pas pris en compte le fait que leur prix de vente réseau est de 0,145€ le kWh, mais cela donne un grain encore plus faible, car les kWh virtuels autoconsommés le sont à une valorisation plus faible (0,145€ à la place de 0,16€).

Conclusion

Petit complément, valable à priori pour les deux offres, et qui n’est pas anodin: à partir du moment où vous partez sur ce genre de contrats, à priori vous ne pourrez plus prétendre aux primes à l’installation d’autoconsommation (1190€ jusqu’à 3kWc en mars 2019). Ça rentre dans le calcul du rendement financier global de la solution.

A contrario, il faut aussi prendre en compte la souplesse et la réversibilité de ce genre de services à comparer à la rigidité d’un contrat d’achat sur 20 ans en OA.

Dans nos deux études de cas, il semble pour le moment peu intéressant de souscrire à ce genre de services. Mais, cela vaut la peine de suivre les offres qui arrivent – on pourrait espérer quelque chose de ce genre de la part des acteurs historiques de l’électricité verte comme Enercoop – et refaire ses petits calculs à chaque fois.

Nous avons aussi fait des simulations sur 20 ans, avec un prix réglementé qui augmente raisonnablement (moyenne 0,24€), un prix d’achat en OA qui stagne (0,10€) et des frais d’utilisation du réseau qui n’augmentent pas: le stockage virtuel devient parfois un peu plus intéressant pour des installations de grandes tailles – 6kWc – pour lesquelles il faudra cependant veiller à bien consommer autant ou plus que la production (besoins comme un véhicule électrique ou une piscine).

Pour des installations plus conformes à l’esprit de l’autoconsommation, c’est à dire plutôt « petites » afin d’avoir un taux d’autoconsommation élevé, 50% minimum, ça n’est clairement pas rentable (et même si céder son surplus gratuitement est dans ces cas là déjà plus intéressant que de le vendre en OA à cause des frais fixes annuels) à cause de la perte des primes à l’installation. Sans ce petit « détail », on a un petit pécule (quelques dizaines d’euros par an) de gain.

Pour conclure, si vous désirez vous lancer là dedans il faut à minima prendre vos propres données (taille de l’installation, …), votre estimation du taux d’autoconsommation etc… et faire chauffer votre calculette.

La promesse est belle et le fonctionnement facile à expliquer surtout par des commerciaux bien rodés à faire des promesses faciles. Il faut donc s’attendre à ce que ce genre d’offres complémentaires (je le rappelle, pour MyLight System du moins, il y a un système de plus à vendre avec le matériel PV…) arrivent dans les devis de certaines entreprises pas toujours très honnêtes.

Très facile à intégrer dans un beau tableau d’amortissement pour rendre la mariée encore plus belle, ce genre de services risquent donc d’inspirer les éco-délinquants qui sont plutôt ingénieux pour valoriser à leur profit ce genre d’offres et ainsi tromper les clients sur les gains potentiels des systèmes qu’ils veulent leur faire acheter.

Comme nos ancêtres les Gaulois (ceux d’Axterix) qui n’avaient peur que d’une seule chose, que le ciel leur tombe sur la tête, nous pensons qu’on se doit de rester prudent face aux miracles annoncés du virtuel et du « Cloud »: à force de mettre autant de trucs – et les batteries c’est lourd – dans les nuages, le ciel risque effectivement de nous tomber dessus. Au passage, il est intéressant de noter que ce genre de systèmes « Cloud » contribuent à l’augmentation exponentielle de la consommation d’énergie dans le monde, la partie « numérique » pesant déjà 10% du total, avec une augmentation vertigineuse ces dernières années. Si on veut être cohérent, dans un mode AC, ce qui fonctionne c’est le côté local des choses, alors si on commence à évacuer du stockage dans un Cloud on sort sensiblement du modèle.

Commentaires

  1. Auriez-vous des informations et un avis sur JPME (jpme.fr), un nouveau venu aussi revendu par oscaro-power.com, dont le modèle diffère un peu de ceux que vous avez mentionnez dans votre article ?

    1. Bonjour,
      Chaque fournisseur a son système de calcul, c’est au client à rechercher l’offre la plus adaptée à ses besoins, il y beaucoup d’échanges sur ce sujet dans le forum-photovoltaique => onglet Procédure en autoconsommation vente surplus.

      ange
      bénévole

  2. Bon article mais qu’il faudrait mettre à jour avec l’offre JPME

  3. Bjr, un installateur me propose de poser 6 KWc sur toiture, avec installation d’une BV Urban Solar. Il fait le calcul des gains et économies avec les paramètres suivants: Abonnement pour le compteur électrique 9 kVA 16 Euro/mois (HT ou TTC ?)
    Abonnement pour la BV 6 kWc 6Euro/mois soit 72 Euro/an
    Cout acheminement de mon électricité stockée via BV 0,039 Euro/kWh TTC (incluant toutes les taxes sur l’acheminement selon lui)
    ces prix vous paraissent ils conformes à la réalité (juin 2023) ? en particulier le cout TTC de l’acheminement (dernière ligne ci-dessus) ?
    Même question pour la productivité des 6 kWc sur toiture orientée plein sud dans L’Hérault estimée par lui à 9040 kWh, alors que vous l’estimez à 3300 kWh dans votre calcul pour 3kWc installés (soit 6600 au lieu de 9040)
    Merci d’avance pour votre … éclairage

    1. Bonjour,
      Il est complexe de répondre ici, contactez nous sur administratif@gppep.org
      merci

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